La conservation du patrimoine africain au péril du droit : les enjeux d’une évolution des législations et des institutions africaines

Vincent Negri

CNRS /CECOGI-UMR6224, Paris, et Univ. internationale L.S. Senghor, Alexandrie

Sur le continent africain, sans doute de manière plus marquée qu’en d’autres lieux, la construction d’un droit du patrimoine culturel et, par là-même, l’élaboration de normes de prévention du pillage et de règles pour le retour des biens culturel ont été adossées à la composition d’une identité culturelle, vecteur d’une unité nationale, mais aussi soutien à l’expression d’un panafricanisme.

Si les intentions de la Conférence panafricaine de Londres en 1900 ont fait long feu, le mouvement culturel panafricain connaitra son apogée dans le prolongement des accessions à l'Indépendance, à partir des années 1960. Le Manifeste culturel panafricain adopté à Alger en 1969 et la Charte culturelle de l'Afrique adoptée sous les auspices de l'OUA en juillet 1976 s’inscrivent dans cette trajectoire. La Charte culturelle de l'Afrique souligne notamment le rôle fondateur des législations nationales régissant la protection des biens culturels et pose les principes d'une coopération culturelle interafricaine, pour tracer le sillon d’une interafricanéité.

En 2002, la nouvelle Union africaine est fondée sur une volonté de renforcer l’intégration politique et socio-économique du continent africain. Si les objectifs économiques diluent alors les ambitions culturelles et patrimoniales interafricaines, la Charte de la Renaissance culturelle africaine, adoptée en 2006, contribue toutefois au renouvellement de processus normatifs accompagnant le développement de législations efficientes pour, à la fois, lutter contre le pillage et fonder les revendications de biens culturels. Parallèlement, des principes institutionnels d'intégration africaine ou régionale à partir de vecteurs culturels et patrimoniaux communs sont reformulés. L'enjeu de ce double processus – développement de législations efficientes et mis en jeu de mécanismes d’intégration régionale – est d'autant plus aigu que l’érosion du patrimoine africain, produit du pillage et de son corollaire le trafic illicite, se poursuit. Ce trafic des biens culturels africains est opéré à destination de continents disposant d'instruments d'intégration économique et culturelle particulièrement développés prévoyant notamment, entre les seuls Etats de ces continents, des mécanismes de restitution automatique des biens culturels volés ou illicitement exportés. Des voies restent à explorer sur les modalités d’une extension intercontinentale de ce droit à restitution, qui déborderait les revers normatifs et institutionnels actuels que subit l’exercice des revendications africaines auprès des Etats de destination du trafic. Une telle évolution devrait, en outre, prendre sa source dans un renforcement, sur le continent, des législations nationales, fondé sur des principes endogènes de protection des biens culturels formulés à l’aune de la gravité de l’érosion du patrimoine africain.

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