La culture sous la gouvernance des rebelles : l’ethnographe face à la fin de l’Etat

Till Förster

Ethnologisches Seminar, Université de Bâle

Une grande partie de la Côte d’Ivoire est, depuis 2002, sous contrôle d’un mouvement rebelle, à l’instar d’autres régions d’Afrique. Les rebelles ont établi une gouvernance partiellement calquée sur le modèle domanial, mais ont aussi imaginé de nouvelles solutions qui, contrairement à ce que l’on pense souvent, témoignent d’une créativité extraordinaire et intègrent le champ de la culture. A Korhogo, la plus grande ville du nord ivoirien, ils ont construit un centre culturel où tous les artistes de la ville ont été invités à produire des peintures murales. Certains de ces muralismes étaient purement décoratifs, mais d’autres manifestaient d’une volonté de repenser l’histoire du pays et la notion de nationalisme, à l’origine du conflit violent présent depuis le début des années 1990.

La documentation de ce centre s’est montée facile, mais plus l’ethnographe se plongeait dans les réseaux sociaux urbains, plus il se trouvait confronté aux attentes des différents acteurs. De nombreux artistes étaient fortement politisés, alors que d’autres signalaient que leurs plus belles œuvres se trouvaient dans la collection du chef rebelle, recherché par les Nations Unies pour des atrocités de guerre et des crimes contre l’humanité. Comment naviguer entre ces différents acteurs et comment maintenir une attitude acceptable du point de vue éthique ?

Cette contribution ne propose pas de solution, mais elle pose la question de savoir si l’ethnographe peut maintenir un regard extérieur lorsqu’il se retrouve acteur au sein d’un champ social aussi tendu.

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